Kamel Zouaoui - Conteur de "Les Pas sages d'un fou" - Théâtre du Gymnase

Publié le par L'Autre interview

affiche_02 Kamel ZOUAOUI
« Les pas sages d'un fou »
ou quelques aventures de Sha'h, Djeha, Nasredine le Hodja

le mercredi et vendredi à 20Hh00

au
Dédicace Café
(Premier étage du Théâtre Du Gymnase)

Tarifs : Unique : 12 €
(avec une boisson non alcoolisée incluse)

Location : 01 42 46 79 79

 

 

Savez-vous qu'il y a un lieu artistique à Paris, où vous pourrez enfin avoir le plaisir, de venir en tapis volant. C'est le Théâtre du Gymnase, où une aire de parking a été spécialement aménagée à cet effet. Vous pourrez donc tous avoir le bonheur d'entrer dans l'univers du conte de Kamel Zouaoui, dans les meilleurs conditions.

 

Kamel Zouaoui, nous fera alors voyager dans le pittoresque des 1001 histoires de Nasredine Hodja et de ses colorés comparses. C'est tout une société que notre ami met en couleur, et à laquelle nous sommes invités à prendre part, par tout l'art subtil et convivial du conteur.affiche

Dans ce beau voyage en Orient qui enchante les esprits, nous récolteront au passage bien des sagesses. Celles qui sont le fruit de l'observation d'esprits avisés et offert généreusement à tous.

Le conte est donc une pièce de choix pour notre esprit et notre plaisir au voyage.

Pour Kamel Zouaoui, l'art du conte permet de toucher l'enfant qui est en nous.

C'est donc autant un plaisir artistique qu'une nécessaire sagesse dont notre sensibilité a besoin.

Mais cette démarche n'est-elle pas plus subtile encore ? Celle d'unir pour ne pas dire pacifier l'enfant et l'adulte mais encore l'adulte plus âgé ?

N'est-ce pas d'unifier les 3 âges de l'homme qui sont en nous, comme un accomplissement bienveillant, un présent tranquille rassurant pour un heureux devenir... Qui sais ?

Comme quoi la dimension du conte nous invite à la fois à la tranquillité et au plaisir de se poser des questions. N'est-ce pas cela cette sagesse, savoir s'asseoir dans une belle quiétude intérieur et s'envoler en même temps, dans le bonheur du voyage de l'esprit ?

 

A vous de voir ? Bon voyage !

 


 

DSC03975Kamel Zouaoui,  que représentent les contes dans votre histoire personnelle ?

Tout ! …..enfin beaucoup, dans le sens où le conte à une place très importante dans la culture orale dont je suis originaire : kabyle, d’Algérie… et aussi de Saint-Étienne, d'une famille d'ouvriers et de mineurs. Ce sont des gens qui n’ont pas eu autrefois d’accès à l’école de façon très poussé et donc, des deux cotés de mes origines paternelles….. enfin, de mes origines algériennes et de mes origines stéphanoises, j’ai baigné dans deux milieux où l’expression orale était primordiale, où se vit de pouvoir dire les mots. Dès l'enfance, j'ai rencontré le travail de Jean Dasté, une figure du théâtre dans ma région, qui a popularisé le théâtre, en l'amenant dans les écoles, dans les usines, dans les mines, dans les campagnes. Il a créé : « Le Théâtre des Tréteaux » qui a fait sortir le théâtre du « cadre à l'italienne ». Ensuite l'art du conte s’est imposé à moi. Il faut savoir toutefois que j’avais déjà fait du théâtre et que pour moi, le conte c’est un théâtre mais c’est un théâtre….. avec lequel on peut plus facilement se déplacer. C’est un théâtre de tous les instants, de toutes les secondes et les mots sont à mon sens… un pouvoir, c'est-à-dire qu’ils sont magiques : ils peuvent guérir, ils peuvent soigner, ils peuvent faire mal, ils peuvent bercer, ils peuvent faire naitre des choses, ils peuvent tuer. Les mots sont une arme, en vérité … voilà, pourquoi le conte…..

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Depuis votre spectacle, votre texte évolue, comme si les contes portaient en eux une dimension de voyage qui vous emporte ?

Voilà ! L’idée, c’est que, pour ce spectacle, j’ai compulsé trente aventures de Nasredine le Hodja, -personnage issu du folklore perse du XIIIème siècle- qui en théorie, dans la vraie vie, ne sont pas mises les unes avec les autres. C’est pour ce spectacle que je les ai liées., avec ma sœur Sonia Aya qui me coach et me met en scène. J'ai constaté qu'ensuite, il y a eu cette magie, arrosée de beaucoup de sueur et de travail, où ce spectacle s’est mis à pousser et ces histoires se sont imbriquées entre-elles et il se tisse un lien entre ces histoires qui tient du magique, dans le sens où, tout se goupille : une aventure en entraîne une autre, à moins que ce soit la suivante qui attende la précédente….. et la magie, s’opère. Moi, je l’accompagne avec beaucoup d’énergie et j’ai parfois l’impression que ce sont les histoires qui m’accompagnent ….  Tiens, je ne sais plus à un moment donné si c’est moi qui les porte ou si c’est elles qui me portent…. c’est l’aventure….

Vous disiez que vous-même étiez différent au fur et à mesure de l'art de la narration du conte, comme si, la sagesse que vous transmettiez aux gens, eh bien, ….  vous imprégnait au passage ?

DSC03891Voilà ! Tout à fait ! En vérité, la sagesse qui est contenue dans ces textes, déjà dans leur version écrite porte à la réflexion , mais une fois mise en « scène », mise en vie, cette sagesse prend chair et j'ai ainsi le bonheur d'en « mesurer » la sagesse dans le regard des spectateurs, dans leur sourire et dans leur attitude.

Quand je joue, j’ai une place privilégiée : c’est que je rapporte ces histoires et que je collecte en même temps les réactions des gens. Il y a des très belles choses selon l’origine culturelle de chacun, et ces très belles choses ressortent. Ces sagesses, en vérité, sont le révélateur de plein de choses qu’il y a dans les gens et bien souvent, j’ai l’impression que c’est leur enfance, ou la part d’enfant qu’ils ont encore en eux, qui est présente à mes spectacles. C’est comme si l’adulte accompagnait l’enfant qui est en lui à venir voyager dans ces histoires.DSC03910

Un jour, j’ai conté une aventure de Nasredine à ma mère, à Saint Étienne et en m’écoutant, elle a vue de grandes similitudes entre les fables de ce personnage et celles des aventures d’un autre fameux personnage dont sa grand-mère lui conta les frasques et que l’on nommait Djoha. Je lui est rapidement dit que l’on attribuait à Nasredine plusieurs noms selon les « régions et les époques »..et que Djoha , était un de ses noms… J’ai vu alors pendant quelques instants, «  l’enfance » de ma mère sur son visage.

Donc, en résumé moi, je fais peu de choses : j’accompagne, je mets en mots ces sagesses et la magie fait le reste….. et la magie, c’est : seul, on est rien, et il n’y a pas de conteur si il n’y a pas d’oreilles pour l’entendre, il n’y a pas de sagesses si il n’y a pas de gens pour les appliquer, pour les vivre, pour les recevoir ou en avoir peur.

On a peur parfois d’être sage et ces pas vers la sagesse, ce sont les gens qui les font. Cette sagesse là est à mon sens dans les yeux des gens, et c’est ça que moi, je laisse s’exprimer. Je laisse chaque histoire mûrir et c’est le public, en vérité, comme dans un vote, où l'on taperait 1, 2 ou 3, qui par ses réactions me dit quelles histoires seront là, la fois d’après. Il y a un canevas nécessaire dans mon spectacle mais les histoires bougent, selon les émotions des gens.

Et ces réactions des gens, vous émerveillent-elles ?

Ah oui, oui ! Je leur dis souvent après le spectacle, quand on me remercie…. quand ça arrive…. je dis au gens que moi je n’ai rien fait, en vérité, ce sont eux qui ont fait les choses et l’accompagnateur DSC03930d’histoires, c’est ça ! C’est vraiment, à mon sens, dire : « j’ai appris quelque chose, j’ai aimé quelque chose, il y a quelque chose qui est en moi dont je voudrais vous faire part et j’ai envie de partager avec vous, faire quelque pas avec vous »…. et là, dans ce spectacle, ce sont des « pas sages » mais pas si sages que ça, dès lors que, ce n’est pas moi qui marche, ce sont les autres qui me portent.

Quel sens donnez-vous à la sagesse ?

De ne plus avoir à se poser la question….. L’on est sage quand on ne se demande plus si on l’est et la sagesse pour moi, c’est le bon sens. Il y a plusieurs lectures possibles. La mienne, celle de Kamel Zouaoui, c’est d’aller avec mes pas, là où mon moi, mon entier, voudrait m’amener et ne plus me laisser porter par des choses qui ne sont pas moi, qui ne m’intéressent pas. C'est assumer mes transports….. vraiment, la sagesse c’est ça ! C’est une sérénité. C’est comprendre que tout est. Tout se passe dans l’instant ! Il se passe des choses. Tout peut se décider en une seconde, même l’impossible ! Beaucoup étudient l’infiniment petit pourDSC03960 ensuite étudier l’infiniment grand. Et bien moi, c’est la constance qui m’intéresse. Pour moi, la sagesse, c’est la constance et n’avoir pas peur de la constance. Être constant à l’intérieur de soi, être un propre repère à soi et autour de ce repère là, accepter d’être tout ! C’est ça pour moi, à hauteur de mes petites années d’expérience de vie. Rien n’est figé, donc rien n’est impossible !

 

Est-ce qu’on peut dire que dans le récit de vos contes, se vit un voyage dans l’enfance, comme une douce oscillation entre l’enfance et l’âge adulte ?

Dans mes contes vraiment, quand j’adresse ces contes à des enfants, ils les prennent et j’ai le sentiment qu’ils vont s’en servir pour l’avenir. Il y a certaines histoires : « L’âne », « Le fils de Nasredine » ou plein d’histoires que les enfants, reçoivent comme un enseignement.

Le côté ludique prend place : « je vais au spectacle  me divertir » et on entre dans le cadre «  j’apprends quelque chose … libre à moi de le garder ou pas » .

Il y a vraiment une passation d’information avec les portraitenfants…Une transmission Je pense parfois avec humilité que conte est une manière de les aider à devenir adultes.

Quand je conte pour un public adulte, je partage ces contes avec le désir de vouloir les reconnecter avec une part de leur enfance qu’ils ont peut-être conservé ..

Il y avait un monsieur, l’autre jour qui m’a dit, un monsieur d’origine iranienne, qui m’a dit : « Monsieur, votre spectacle me rappelle que mon père autrefois me contait les histoires de Nasredine et il me rappelle également que j’ai omis, pour l’instant, de les raconter à mon propre fils !»

Et ça, c’est un résultat extraordinaire ! Le conte, c’est l’imaginaire !

A travers notre travail, Sonia et moi proposons un conte théâtralisé, nonobstant, c’est une porte ouverte dans l’imaginaire des gens et quand je lance ces contes vers les adultes, c’est une invitation à leur dire : « Et si vous rouvriez un temps votre enfance ? ».

Il y a de jolis secrets dans nos souvenirs d’enfance , justement pour répondre à ta question DSC03914précédente,, il y a énormément de sagesse dans notre enfance..... à récupérer, maintenant que nous sommes devenus adultes, si on veut aller en introspection, on peut tirer de nos enfances, pas seulement des drames ou des choses mises en place comme ça pour nous par les adultes parfois maladroit, mais une grande sagesse.

Si on observait notre vie d’aujourd’hui avec nos yeux d’enfant, je crois que le regard ne serait pas le même.

Est-ce que le conteur, c’est un peu un « fou du roi » ? Une sorte de sage qui au-delà de faire rire, nous éveille ou nous réveille, à une autre réalité et laquelle ?

Le première spécificité et chance du conteur, c’est qu’il a besoin de peu de moyen pour s’exprimer. La seule chose importante dont il ait besoin, c’est de vivre !…. de vivre et donc de n’avoir pas peur de dire les choses, de ressentir les choses.

On peut lui couper les mains, on peut lui couper les pieds à un conteur mais tant qu’il a la parole pour dire les choses, il le fait !

C’est un porte-voix à mon sens ! Il y a des contes magiques, il y a des contes très, très durs et il DSC03916y a des contes philosophiques, comme ceux de Nasredine Hodja mais dans ce cadre là, il est pour moi le « fou du roi » essentiellement pour permettre aux autres gens de pouvoir se vivre eux-mêmes. Comme on dit dans le spectacle : « Dieu, tu nous avais donné un fou déjà, ce dont nous te remercions mais vois que le fou apprend à son fils à être plus fou que lui en vérité, c’est une honte ! C’est une honte ! ».

Le fou, c’est comme l’exclu dans notre société, il a besoin d’être là pour permettre aux autres d’exister. Ici, les gens, dans cette quotidienneté, ne veulent pas être le fou du roi, ils veulent pouvoir vivre leur propre expérience de vie, traverser paisiblement la vie et ne veulent pas, certains en tous cas, ne veulent pas se mettre en avant et n’osent pas dire des choses, par peur des représailles ou peur simplement de n’être plus dans leur tranquillité, ils ont besoin qu’un autre le fasse pour eux et l’amuseur, le comique, le comédien, le conteur sont des porte-parole, qui ont à charge…. c’est une charge sociale, c’est un mandat, de dire les choses que d’autres n’osent dire….

DSC03925« Radio bistrot » c’est un « fou du roi » extraordinaire ! Cette femme qui dit les choses, qui moque, qui se moque des puissants, c’est une « Nasredine cuvée 2009 !» Elle dit des choses avec des mots d’aujourd’hui, pas avec la même subtilité ni la même force qu’avaient les mots autrefois mais elle sait bien faire passer les choses, tout comme Nasredine et ses aventures le faisait.

Dire au Roi des choses que le peuple citoyen...  enfin, le citoyen,… ce que les lambdas, ne pourraient pas dire, en effet, dans ce sens là, il est un nécessaire « fou du Roi », le conteur…  il a à dire des choses…

Tout comme il y avait les crieurs, comme il y avait les parleurs publics autrefois, le conteur a une charge, c’est celle d’être une mémoire vivante et celle de garder les histoires en patrimoine à l’intérieur de lui et de les restituer aux gens et pas forcément quand ils s’y attendent !

Quel est le parcours artistique qui vous a amené à ça ?

J’ai commencé le théâtre à l’âge de 9 ans. Je suis né à Saint-Étienne dans un quartier qui s’appelle Montreynaud et nous avions dans notre association de quartier un projet théâtre comme les DSC03931associations de banlieues en a souvent.

Nous avons fait un travail sur l’œuvre de Chaplin, de Charlot…., Charlot, pour moi, c’est un Nasredine, c’est un personnage qui était extraordinaire de finesse , d’humanité d’amour…. c’est un sage, Charlot !

Chaplin propose des choses dans « Les lumières de la ville », « Les feux de la rampe »,« Le dictateur », vraiment…. il est porteur d’un message très important qu’il fait à son personnage avec un tel talent .

Nous formions une troupe d’une dizaine de personnes de tous ages, certains venaient, d’autres partaient, librement

J’ai été « Charlot » à la scène pendant 2 ou 3 ans et donc, de 9 ans jusqu’à 11 ans, nous avons parcouru les lycées, les écoles, les collèges, les hôpitaux psychiatriques, les associations ou des salles de théâtre dans la région de Saint Étienne, encadrés, par Elsa Vasquez, Jean-Pierre Simard, Hélène Perillat et le Théâtre de l’échelle. Ils m’ont beaucoup appris. Si il y a de l’humanisme en moi encore aujourd’hui, ils doivent y être pour quelque chose (rires) ; J’étais très jeune, mais grâce a eux j’ai appris beaucoup sur le théâtre. 

DSC03966A la même époque, j’ai rencontré Annie Fratellini, Très grande Dame , on a fait un stage de clown avec elle, j’étais le Monsieur Loyal et le chef d’Orchestre …et même très jeune, il y a des choses auxquelles on touche et après on ne peut plus réellement s’en éloigner….. J’ai traversé l’adolescence avec notre troupe de théâtre d’enfance ! Après, j’ai passé mon Bac A3, c’était une des premières années langues étrangères et théâtre !

Nous étions une des premières promotions à avoir ça, donc, c’était un peu…. on nous prenait un peu pour des rigolos… C’était en 90, 91, 92, nonobstant, on le faisait avec une grande passion ! … A coté de ça, j’ai joué également dans une troupe semi professionnelle de Saint Etienne sans intérêt, on a fait deux, trois choses intéressantes quand même mais c’était un3883 passage dans l’adolescence….je préférai ma troupe d’enfance !!

Et j’ai rencontré Ariane Mnouchkine à la sortie du lycée. Je l’ai vu à Lyon, alors qu’elle donnait « Les Atrides », une trilogie et je suis tombé en syncope et très amoureux de son travail. Je lui ai écrit, on s’est rencontrés, on a pas mal échangé sur les choses du théâtre. Jean Dasté ensuite est parti, Annie Fratellini est partie ensuite et j’étais, pour de vrai, là ancré dans l’âge adulte, puisque tous mes repères de cirque, de théâtre, de l’intérieur s’en allaient…

J’ai eu le Bac grâce à Mnouchkine !

Enfin , je t’explique … J’ai relaté notre échange dans mon dossier de présentation au Bac théâtre, un peu comme un mémoire et j’ai conté à mes examinateurs lors de l’épreuve oral ma rencontre avec Mnouchkine !

C’est quand même bizarre, pendant trois ans, j’ai eu des cours et des cours sur le théâtre à l’italienne, le théâtre classique, la rencontre avec la création, … il y avait 3 années de travail dans mon dossier et le jury n’a m’a demandé de leur parler que d’Ariane Mnouchkine et donc, je leur ai raconté cette aventure et j’ai eu 18 sur 20, coefficient 6 !

J’ose penser que c’est aussi pour mes autres talents !... 3890

Après le Bac, je suis allé à la Fac pour faire Psycho, puis Paris m’a appelée, j’y suis venu, je m’y suis perdu et j’ai rencontré Nasredine, il y a 8 ans , j’ai commencé à reconstruire et d’un coup, je me suis dit, il y pas si longtemps, ( quand j’étais en train de jouer au studio Marie Bell )

J’ai regardé autour de moi et je me suis dit : « Qu’est-ce que je fous ici et comment donc y suis-je arrivé ? ».

L’idée, c’est que j’ai voulu amener ce personnage dans un théâtre et afin d’en raconter les aventures et finalement, c’est ce personnage qui m’a ramené à moi je lui dois beaucoup !

Bien sur ma sœur Sonia Haya m’a beaucoup aidé créer ce spectacle, c’est elle Je suis arrivé vers elle avec un texte que j’avais écris . Je lui est proposé mon énergie et lui en est demandé un peu de la sienne (beaucoup !!)

Elle a pris ce projet, comme un diamant qu’on travaille,et elle m’a aidé à découvrir chacun des personnages, à les affiner, à leur donner une vraie présence, du corps, à les mettre en contrainte . Ce conte qui n’existait jusqu’alors qu’à l’intérieur de moi, est devenu une réalité scénique, Pour arriver à ce résultat on a travaillé avec beaucoup d’énergie et on continue, conscient que la route est encore longue ! D’autant plus que Adrem productions et Hugues Deniset nous apportent désormais leur soutien et leur amitié, cela représente une grande chance pour nous et pour le spectacle ! 

DSC03905Donc, mon parcours, il est tissé et parsemé d’expériences et de rencontres. J’ai rencontré Peter Brook également, des échanges assez sympas, mais j’ai le sentiment, parfois, que les gens …. Les gens il suffit de les regarder, de passer quelques instants avec eux, sans même se dire des choses… Peter Brook, ça m’a fait ça, je l’ai vu, j’ai voulu le prendre en photo, enfin quelque chose de bizarre que je fais jamais d’habitude et puis j’avais lu « L’espace vide », un livre qu’il avait écrit il y a quelques années. Puis je l’ai rencontré, puis c’était… voilà, on se regarde et puis on a rien à se dire …. Rien d’autre que les choses du magique et ce métier est magique et à l’intérieur de moi, il y avait…, il y avait : « Il faut que je lui parle de mon projet ! » et donc je dis à Peter Brook, que je conte les aventures de Nasredine et il se trouve que sa compagne, est passionnée des aventures de Nasredine Hodja.

Donc, rien n’est au hasard, il y a quelque chose du magique et depuis que je suis là, depuis qu’on est là, il y a énormément de belles choses ! Je reçois ici un accueil extraordinaire, les gens du Gymnase, c’est important de le noter, sont d’une grande générosité, bien que ce soit un haut lieu du théâtre de boulevard, il y a vraiment une gentillesse ambiante….., les gens sont disponibles et ne jugent pas et c’est très, très, très intéressant ! Les gens de se sublime théâtre me rassurent ; ils me mettent à l’aise par leur regard et par leur aide, leur mots d’encouragements me hisse , ils me mettent dans une jolie lumière, dont je les remercie !....DSC03900

Quand tu travailles tes sujets, tes personnages, qui sont-ils?

Alors, dans ce spectacle, il y a …. J’ai envie de dire que les gens dans le public sont les personnages de ce spectacle mais il ne faut pas leur dire trop fort parce qu’ils ne reviendraient plus !

Plus sérieusement dans ce spectacle, on rencontre Nasredine, qui est le personnage principal tantôt fou, tantôt sage.

Il y a Khadija, qui est une féministe pour l’époque, on est au XIIème siècle, elle est très amoureuse de son mari, sachant que l’amour à l’époque, c’était une denrée rare et limite considérée comme une maladie dans certaines familles, puisque l’amour n’était pas l’objectif. Il fallait juste se marier pour assurer la continuité de l’espèce.

L’amour était… était plus un fantasme qu’une réalité et j’ai voulu, avec le metteur en scène (Sonia Aya) que Khadija soit une épouse aimante, elle est un personnage qui est le phare de Nasredine, elle est son repère, elle le suit, elle est plus âgée que lui, elle est plus adulte en tous cas … elle est le premier témoin des folies de son époux et cela la fait rire, ça la rend heureuse.

Elle aime son foyer, elle aime son fils, Farouk.

Farouk est un garçon d’à peu près 14 ans, qui est différent des autres garçons de son village, il est très efféminé, il écrit ! Il est fin ! Il tricote ! Et ne se mélange pas aux autres et il est lui aussi.. Différent !!!

DSC03956Ils sont un peu anachroniques pour l’époque. (La famille de Nasredine,)

Farouk est un garçon libre, élevé mentalement, autant élevé dans sa tête que son père est spirituel et son … et Nasredine Hodja a beaucoup, beaucoup de spiritualité !

Ces folies, en vérité, ne sont rien d’autre que des …. Que des petits pics de compréhension du divin et parfois, quand le choc est trop fort, on ne sait pas comment exprimer mais lui je pense que ses folies lui sont venues par là.

Il y a également Latifa.

Latifa, est une femme qui est née jalouse, c’est une femme qui a un tic physique  quand elle veut du mal aux gens, elle jalouse les gens et l’on dit dans ce spectacle, qu’elle « jalouse même leurs malheurs ! ». C’est pour dire combien elle est vide ! C’est une femme vide ! Elle occupe son temps au bras de son époux, qui n’est rien d’autre que Mounir.

Mounir est un homme, un des contemporains de Nasredine, dont la félonie met en lumière la sagesse des gens.

Dans l’univers du conte, il faut des gens bons et il faut des gens mauvais pour que les publics puissent s’identifier à ce qui se passe, parce que le conte c’est la vie… c’est pas…. c’est pas de la fiction, c’est vraiment une réalité !

Mounir est un homme qui lui aussi, est envieux, il souffre d’une terrible maladie pour l’époque : il est fainéant ! C’est un homme qui ne veut pas travailler, ce n’est même pas un révolutionnaire qui serait contre le travail, c’est un homme qui ne veut pas travailler ! Il passe le plus clair de son temps à rester avec des vieux, parce qu’il est vieux lui-même, mentalement, il ne l’est pas encore physiquement. Il reste avec d’autres vieux pour critiquer les gens, parce que critiquer les gens, l’empêche d’avoir à se regarder lui-même et ce qui est encore resté un sentiment très contemporain.

Il y a le vieux tailleur. Le vieux tailleur, c’est un homme qui a tellement travaillé, que depuis plusieurs années, enfin nombres d’années, il a cessé d’exercer son art mais hélas, le temps a un mauvais effet sur lui, il le rend …. il le rend médisant, c’est un homme qui passe le temps, il s’ennuie …. Il n’a plus que l'œil gauche et qui se recourbe un peu sous le poids de ses nombreuses années, c’est un homme qui aime médire et se moquer de ce que sont les autres et de ce qu’il y a sous leurs habits, c'est-à-dire, leurs énigmes entre les gens, leurs relations….. Il est un peu pipelette, le vieux tailleur !

Il y a le Roi, qui comme tous les rois, comme notre Roi actuel, oh pardon ! …… dirige et utilise les gens, il sait qu’il est en place, il décrète et les gens doivent suivre (On n’est pas dans une démocratie, on est dans une monarchie… )

Le roi aime beaucoup Nasredine, ils partagent leur solitude, même si elle n’est pas tout à fait la même. Nasredine a la solitude de la sagesse et le Roi a la celle du pouvoir, il exerce son pouvoir comme une charge, sans amour et Nasredine le distrait,….

Également, d’autres personnages viennent se greffer aux aventures.

Le Capitaine du bateau qui aurait pu être notre Roi actuel, qui mène les gens dans un bateau et qui est habitué à traverser des tempêtes,mais qui parfois s’embourbe dans ses propres tempêtes .C’est un personnage que l’on évoque rapidement mais il est omniprésent.

Il y a les imams, qui représentent l’autorité religieuse. Ils sont malmenés dans ce spectacle dans le sens où, c’est leur habit bien entendu, qui est attaqué et non pas leur réelle foi mais, mais ces personnages servent à mettre en lumière le fait que parfois des gens, au nom de la religion, font des choses que Dieu apprécierait, à mon sens, bien peu !

Il y a des imams qui font leur travail bien, puis d’autres qui se jouent des gens, comme dans toutes les sociétés, les curés ici ou les rabbins dans des synagogues, ou ceux qui ont la foi du charpentier.

Il y a également la vieille dame ! Un personnage que j’aime beaucoup, elle est pour moi, toutes ces vieilles dames qui ont fait notre parcours à chacun.

S’il n’y avait pas de vieilles dames, je ne suis pas sur que nous serions là, parce que ces vieilles dames ont été à un moment des jeunes filles, ensuite des épouses, après des mamans, des grands-mères et puis après des vieilles dames. Et elles sont porteuses de tellement de sagesse .Enfin, j’ai le sentiment qu’elles sont un lieu de sagesse, les vieilles dames et qui quelles soient, pas forcement du sud de la Méditerranée mais la vieille dame en général, est une espèce sage.

Sage d’expérience de vie en tout cas et la vieille dame de ce spectacle, c’est un peu un message que j’envoie à mes grands-mères, qui sont de l’autre coté et je m’inspire d’elles et de leurs regards, de la sagesse qu’elles avaient dans leurs regards et leurs sourires, dans leurs mains et cette vieille dame ( dans le spectacle ) m’est très chère !

Tous ces personnages étaient évoqués et ont pris corps depuis que nous nous produisons au théâtre du Gymnase

 

Je sais que Nasredine est un personnage généreux et ouvert vers les autres, donc le fait d’avoir permis à ces autres personnages de se mettre en vie ici, c’est un beau cadeau !

Alors dernière petite question pour faire sourire : « Pour venir te voir, faut-il apporter son tapis volant ou tu le fournis ?

L’idée, c’est qu’à force d’arriver avec des tapis volants, nous avons un problème pour parquer les tapis à l’extérieur, néanmoins, il y a quelque chose qui serait fort bien, ce serait de venir avec une photo de ce tapis volant, ainsi nous pourrions l’évoquer et nous envoler avec la sécurité de pouvoir sereinement redescendre, si besoin est, avec cette photo là, quoi ! Non, DSC04008mais plus sérieusement, il faut venir sans a priori, il faut venir avec son âme d’enfant ou en tout cas, avec la recherche de son âme d’enfant, si jamais on ne sait pas où elle est ! Le tapis volant est en nous et je commence le spectacle par : « Si j’ai demandé à vos pas de vous mener jusqu’ici, c’est afin de vous conter quelques aventures de Nasredine ». Eh bien, tout est dit ! Le tapis volant aujourd’hui se trouve en chacun de nous et cette volonté là de voyager à l’intérieur de soi-même et avec les autres, je crois que c’est un pré requis ( le tapis volant ) pour pouvoir bien voyager, d’autant plus que pendant le spectacle il faut écoper afin d’échapper à une terrible tempête.. il est important d’être les uns avec les autres, d’autant plus que l’on repart avec ce souvenir commun d‘avoir, ensemble, traversé cette terrible tempête.

Parfois lorsque les gens vont au théâtre, ils en ressortent du « changés » et moi mon souhait, c’est que les gens repartent de mes spectacles : « reconnectés », reconnectés avec une part d’eux-mêmes que peut être ils avaient oublié de regarder.


C’est magnifique !.....



(Un grand merci à Christine Houvenagel pour la retranscription dactylographique de cette interview)




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